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Artistoc
27 juin 2007

La fascination du pire

fascination_du_pireJe n'ai jamais su trop quoi penser de cet auteur ni d'aucun de ses livres. Je préfère largement ses quelques interventions télévisuelles où - au moins - il peut faire la démonstration d'un stupéfiant esprit d'analyse et l'exercice d'un phrasé remarquable. Je n'ai pas su trop quoi penser de ce livre, donc, ni pendant sa lecture ni après l'avoir achevé, puis reparcouru. Une chose me frappe au moins - hormis la trame très contemporaine d'une histoire de jeunes intellectuels ambassadeurs de la francophonie à l'étranger - : les citations à tout bout de champ, ce que l'on nomme aujourd'hui, après l'avènement du vocabulaire informatique, l'hypertexte. De quoi parfaire une éducation littéraire... La fascination du pire ou la fascination de soi par le prisme de l'érudition ? Voyez plutôt :

J'ai repensé à ce que nous avait dit Thibault : les contes des Mille et Une Nuits avaient également été interdits. Après la discussion, j'ai rencontré une journaliste qui parlait très bien français et semblait venir d'une autre planète, celle de la civilisation. Je lui ai dit ma surprise concernant ce qui avait été dit à propos de Flaubert. Elle avait fait des études en France et comprenait de quoi je parlais. "Malheureusement, c'est comme ça, déplora-t-elle, on ne peut rien y faire, et c'est de pire en pire." Le jeune romancier égyptien était à côté de nous. Il parlait un peu anglais. Je lui ai demandécomment on pouvait écrire, s'il fallaitse soumettre aussi docilement à la morale religieuse. Il avait l'air triste. Il m'expliqua que, selon lui, il n'y avait pas vraiment de littérature dans ce pays. "L'islam est incompatible avec la vraie littérature", disait-il en exagérant sans doute un peu. Les écrivains officiels faisaient du lyrisme sans intérêt sur fond de patrimoine et de pyramides, et on les applaudissait dans la hiérarchie, on leur donnait des médailles ; quant aux vrais écrivains, ils partaient dans d'autres pays, quand ils en avaient la possibilité, ou écrivaient de la poésie, ce qui était son cas, moins censurée parce que moins claire et donc moins dangereuse. J'ai pensé encore une fois au préservatif de Toutankhamon.
- Ce qui fout les boules, ajouta Martin, c'est de voir qu'en Europe, c'est aussi de plus en plus comme ça.
- De quoi ?
- Ils nous ramènent leur morale religieuse à la con.
J'étais un peu gêné. Pourquoi Martin était-il si agressif ?
- Ils appellent ça le "renouveau spirituel" de l'Occident. Alors que c'est justement l'inverse de l'esprit. T'as entendu ce qu'ils ont dit ? L'impossibilité de sortir du beau et du bien, franchement, c'est exactement la mort de l'esprit.Et ça a déjà commencé. L'esprit est une menace directe pour ceux qui martèlent une unique vérité tout droit sortie du désert. C'est de la barbarie.
- De la barbarie ?
- Parfaitement. La barbarie, c'est la fin de la culture. Et le terreau de cette barbarie, c'est l'illétrisme, la régression mentale et la connerie sous toutes ses formes. Le nombre de procès contre les livres organisés par les associations musulmanes hantées par la vertu, c'est flippant. Et ce sera de pire en pire.
J'ai préféré ne rien répondre. Mais cela m'a fait penser aux Variétés de Valéry ; et notamment à la première lettre de "La Crise de l'esprit" dans laquelle l'auteur découvre, au lendemain de la guerre, qu'une civilisation a la même fragilité qu'une vie. Elle est mortelle et peut ainsi se faire poignarder par celui-là même qui s'avance avec un grand sourire modéré.
l'hamlet occidental se tient debout devant ce spectacle à venir. Que décidera-t-il de faire ? Il médite sur ce qui vient. I la l'intuition que quelque chose de grave est en train de se préparer dans l'air du matin. Les battements d'un tambour sans peau. Il songe à la peur de voir un jour mourir ce à quoi il tient, il songe aussi, de l'autre côté, à la folie de vouloir embrasser sans réserve la tendance du monde. Il chancelle entre les deux abîmes.
S'il choisit un crâne, c'est un crâne illuste - Whose was it ? -, celui-ci fut Rabelais. Il inventa l'humour européen et envoya les moutons à la mer sans redouter leurs bêlements imbéciles... Et cet aute crâne est celui de Voltaire, légèrement déformé au niveau de la mâchoire pour avoir trop ricané de la religion. Celui-là est justement celui de Flaubert qui écrivit un jour : Il y a peu de femmes que, de tête au moins, je n'aie déshabillée jusqu'au talon. 
Hamlet ne sait pas trop quoi faire de tous crânes. Parfois il voudrait les lancer à la figure de certains barbus. Mais s'il les abandonne, va-t-il cesser d'être lui-même ? Son esprit affreusement clairvoyant contemple le passage de la paix, qu'il espérait de tout son coeur, à la certitude de la guerre. C'est ainsi. Il n'y peut rien. Que faire ? se demande-t-il encore une fois. Dois-je suivre le mouvement et faire comme Polonius, qui milite maintenant pour le respect de l'Autre ? Comme Laertes, qui ne cesse de répéter qu'il faudrait impérativement se réjouir de l'avenir ? Comme Rosenkrantz, qui me rigole au nez quand je lui confie mon pessimisme ?
- Le monde n'a plus besoin de ces fantômes, dis-je alors à voix haute.
On me regarda avec étonnement. Il est vrai que j'avais sauté une étape dans mon raisonnement. Plusieurs personnes se dirigeaient déjà vers la sortie pour aller boire un verre à Héliopolis.
-Bon alors, on y va ? s'impatientait Jérémie.

Florian Zeller en Hamlet du XXIème siècle, guidé par les fantômes shakespeariens et marchant sur les dépouilles d'un illustre aréopage ( Rabelais, Voltaire, Flaubert, Valéry... ) ? Mouais...

Et voici, pour le droit de réponse - tout de même - l'interview du dit auteur ; réalisée à l'occasion de la sortie de son quatrième livre, qui succéda donc à notre présente Fascination, Julien Parme. Indéstabilisable !

Merci à clemtom

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